Lignr


 

Champs





 Carnet d'un homme d'aujourd'hui - 2023

 

L'indice le plus évident de bêtise, le signe qui la marque de façon éclatante, est l'absence de sens de l'humour. L'incapacité a en user ou à l'apprécier chez ceux qui en usent. Car l'humour décentre de soi-même, oblige à la nuance de son propos ou à celle de l'autre. L'humour fait prendre de la hauteur.



Ma mère perd la mémoire. Ça n'est pas Alzheimer mais elle oublie les trois quarts de ce qu'on lui dit. Je lui raconte souvent des anecdotes du quotidien tout en sachant parfaitement que ce sera oublié aussitôt le téléphone raccroché. Je continue, quand même, pourtant, au cours de mes appels fréquents, de lui parler, de lui expliquer, quand bien même je sais pertinemment que ce que je lui dis s'enfuira comme à travers un panier percé...

Quand je me retourne sur ma vie, elle me fait l'impression d'avoir rétrécie, comme font les objets animés d'une vitesse proche de la lumière dans la théorie de la relativité. En effet, le temps ne passe pas partout dans l'univers à la même vitesse, il se contracte, comme le font les objets soumis à une vitesse extrême. Ma vie me fait cet effet dans le sens où celle-ci se résumerait assez rapidement et simplement. Ça n'est pas une vie extravagante, riche d'expériences multiples de toutes sortes, de faits et de rencontres extraordinaires, faite de voyages lointains. Ma vie tiendrait presque dans son entièreté, sur un film familial super 8. En tout cas, pour le déroulement des faits marquants de celle-ci. Heureusement, ma vie spirituelle, intellectuelle, me paraît plus dense et j'ai l'impression qu'humainement, j'ai progressé. Mes points de vue, mes jugements sont plus nuancés. Si le déroulement des faits matériels est plutôt banal et sans guère de surprises, mon âme s'est enrichie je crois.

Comme dans les livres de Simenon, j'ai parfois l'impression que je ne suis pas loin d'accéder à une vérité importante sur moi-même, sur ma vie et, comme dans les livres de Simenon où l'on attend toujours, à la fin, une révélation qui ne vient pas vraiment, je ne parviens pas à saisir ce qui serait important, que j'aurais dû être, que j'aurais dû faire peut-être, pour donner plus d'intensité à ma vie.


La boîte à chaussures : Il y avait, chez nous, lorsque j'étais enfant, rangée dans un placard, une boîte à chaussures où ma mère avait mis, pêle-mêle, tout un fouillis d'objets dont on pouvait avoir besoin au quotidien : élastiques, bouchons de toutes sortes, piles électriques, lampe de poche, ficelle et autre foutoir. Ce devait être une boîte de chaussures d'hiver car figurait sur le couvercle, une photo en noir et blanc d'un paysage enneigé de montagne. Il y avait un petit chalet, isolé, perdu dans un environnement de sapins ; le soleil rayonnait dans un ciel pur et sans nuages, et un enfant qui étonnamment me ressemblait, faisait du ski, seul dans cet endroit merveilleux. J'aimais me plonger dans cette photo, recherchant en même temps dans mes souvenirs, sans y croire vraiment, si je ne retrouverais pas trace de cet épisode. Je savais bien pourtant que je n'avais jamais été au ski mais l'enfant en photo, dont on distinguait assez clairement les traits, me ressemblait tant... et la vie est si étrange parfois que j'aurais peut-être pu retrouver le moment et les circonstances de cet instant comme on retrouve le rêve qui nous avait échappé au réveil. Mais rien ne me revenait. La neige étincelait, j'avais l'impression qu'il aurait suffi d'un rien pour que je me transporte au milieu de la pente, au centre de la photo, dans le calme de ces montagnes inhabitées. J'aurais tellement aimé partir au ski, glisser, sentir la neige fraîche et poudreuse comme le faisait l'enfant de la photo. Mais non, j'habitais dans un HLM d'une banlieue grise, au milieu d'une famille de trois enfants qui n'avait vraiment pas les moyens de s'offrir des vacances à la montagne.



Les non-dits dans les familles sont des forces invisibles et qui œuvrent en silence mais sont non moins extrêmement puissantes.

Les méchants sont souvent pitoyables.

Qui n'a jamais fait l'expérience de la connerie ? De sa propre connerie? Personne ne peut, en toute honnêteté, penser n'avoir jamais été très con, ne s'être jamais comporté comme un gros con ! Même si l'expérience de sa propre connerie, de sa propre bassesse, n'a duré que peu de temps, cette conscience de nos failles, devrait nous éloigner, comme deux aimants se repoussent, de tels errements.



Je suis allé faire un tour au vide-grenier de St G..., dimanche après-midi. En général, je n'y trouve plus rien d'intéressant dans ces vide-grenier, mais parfois, il m'arrive encore de tomber sur quelques bonnes surprises parmi ce bric-à-brac de choses inutiles et moches. C'est donc au détour d'une allée que je suis tombé sur un étalage de dessins au pastel, éparpillés à même le sol. J'ai commencé à les regarder de près et je suis tout de suite tombé sous le charme de ces scènes vivement colorées, aux sujets enfantins et doux. J'ai demandé au vendeur combien il vendait ses dessins et son prix me parut tout de suite très raisonnable. Cinq euros. Cinq euros pour ces jolies illustrations originales et authentiques ! J'ai pensé que je pourrais en offrir deux à chacun de mes enfants pour décorer la chambre de leurs propres enfants à naître. J'en choisis donc quatre, deux pour chacun de mes enfants. Après, ils en feraient ce qu'ils voudraient, et même pourraient-ils bien ne pas avoir les mêmes goûts que moi en matière artistique... J'interrogeai l'homme qui m'apprit en réaliser en moyenne trois par semaine en y passant six heures sur chacun d'eux. Je lui dis que je trouvais ses dessins vraiment très beaux et lui demandai pourquoi il les vendait. Il me répondit que c'était parce qu'il avait besoin d'argent. Je trouvais cela bien triste qu'il ne soit pas reconnu à sa juste valeur car il l'aurait mérité, que ce véritable artiste n'ait pas même suffisamment pour qu'il soit obligé de brader ses œuvres. Je lui dis mon admiration, mes encouragements et lui suggérai l'idée qu'avec la qualité de ses dessins, il pourrait envisager l'illustration d'un album pour enfants. Avant de poursuivre mon chemin, tellement emballé, je lui demandai son numéro de téléphone au cas où j'aurais l'idée d'une histoire...



Je pense souvent à mon professeur de guitare. Il ressemblait beaucoup à Patrick Dewaere à tel point que c'est un peu comme si c'était Patrick Dewaere qui m'avait appris à en jouer. J'aurais bien aimé pouvoir le retrouver pour le remercier, pour lui exprimer ma gratitude de m'avoir appris à jouer de cet instrument. Mais je ne me souviens pas de son nom et ne parviens absolument pas à retrouver sa trace. Dommage. Je lui dois beaucoup et aurais vraiment aimé le lui dire.

Je pense avec tendresse et douceur à la première fille que j'ai embrassée à treize ans : Nadia H. Je l'avais piquée à A. qui devint par la suite mon copain de jeunesse. Il m'avait expliqué comment l'embrasser et m'avait dit de l'emmener dans les caves où elle me suivrait sans rechigner pour la peloter. Je l'embrassai, je la caressais, je lui mettais les mains partout et nous aimions déjà ça.

De la même façon, j'éprouve beaucoup de gratitude envers toutes les jolies actrices pornographiques qui se donnent avec impudeur sur le web, pour le plus grand plaisir de nombreux hommes. D'autant que j'ai bien conscience que ce à quoi elles se plient est sûrement très loin, souvent, d'être une partie de plaisir...



Il y a, dans mon quartier, une rue très étroite que l'on ne peut emprunter en voiture que chacun son tour. Donc un sens de priorité est indiqué par un panneau à grande et large flèche blanche et petite flèche rouge inversée qui détermine qui doit s'engager en premier dans la ruelle. Une fin d'après-midi où je m'y étais engagé alors que je n'étais pas du côté prioritaire mais que la voie était libre, surgit en face de moi et en trombe, un automobiliste qui, m'y voyant, s'y est engouffré tout de même, sûrement fort du sentiment d'être dans son bon droit puisque du côté de la flèche blanche. J'étais pourtant presque arrivé au bout de mon parcours qui m'amenait à la sortie de ce boyau. Nous nous retrouvons face à face, lui à peine entré de son côté, moi à peine sorti du même côté. Nous nous arrêtons l'un en face de l'autre, bloqué l'un par l'autre. Il y a un enfant d'une dizaine d'années assis à côté de lui. Sûrement son fils. Il n'avait qu'à reculer de vingt mètres pour me libérer la voie et ensuite s'y présenter à nouveau. Mais non, il décide d'attendre. Moi aussi d'ailleurs car je ne suis pas pressé. Je me dis que, pressé comme il était, il eût été plus rapide et plus efficace pour lui, de reculer un peu, de me laisser passer pour ensuite franchir le goulet à son tour. Mais, entre deux priorités, l'urgence de son déplacement et s'imposer à quelqu'un, il a choisi la deuxième option, celle de ne pas céder la place qu'il considère à tort, comme sienne. Aux deux extrémités de la rue, les automobilistes commencent maintenant à s'impatienter. De toute façon, il finira par y en avoir un de nous deux qui devra reculer pour laisser passer l'autre. Il n'y a aucune autre alternative. Je pense une seconde à descendre pour aller poliment et amicalement discuter avec lui de la situation. Puis je me ravise. S'il se comporte comme ça, c'est que, forcément, j'ai à faire à une personne problématique. Je repense à ce film « Les nouveaux sauvages » de Damian Szifron que j'ai vu récemment, où pour une broutille, deux automobilistes en arrivent à s'entre-tuer. Je me dis que confronté à une personne visiblement dérangée, risquer sa vie pour une place de parking ou un ordre de passage dans une ruelle, ne vaut vraiment pas la peine d'être tenté. Je recule sur toute la longueur de la rue pour le laisser passer et pouvoir à mon tour reprendre mon chemin. Il jubile de cette victoire éclatante sur son prochain, son visage irradie de contentement. Cette victoire est pour lui, c'est certain, un grand motif de satisfaction pour la journée qui vient de s'écouler. L'accès est dégagé, je m'avance vers l'entrée du passage en me disant qu'avec une telle mentalité, malgré son air triomphal du moment, il n'a pas fini d'accumuler difficultés et sources de frustration dans sa vie.



Un petit sous-marin de poche, mis au point et construit par une entreprise américaine, a accueilli cinq personnes pour effectuer une plongée touristique jusqu'à l'épave du Titanic. Le ticket d'entrée était de 250 000 euros par personne ! Ils se sont laissés enfermer dans cette boîte de conserve minuscule et envoyer par le fond, pour espérer regarder, chacun leur tour, par un hublot de 30 cm, l'épave du Titanic gisant là depuis 111 ans. Au bout de deux heures de descente, leur petit sous-marin a implosé sous la pression de la mer à cette profondeur, les pulvérisant tous instantanément. Et l'on se demande qu'avaient-ils besoin d'aller dans cette grosse cannette de soda, pour effectuer un voyage si dangereux vers les 4000 mètres de profondeur marine qui n'a été, en fin de compte, qu'un ticket pour la mort ? Cette histoire m'a aussitôt fait penser à ce court film muet des actualités du début du siècle qui montre, après quelques instants d'hésitation quand même, un pauvre homme harnaché d'ailes non fonctionnelles, empli de foi en lui, s'élancer de la tour Eiffel pour aller s'écraser directement contre le sol. L'esprit humain est parfois aveuglé par ses désirs les plus fous.



Lorsque j'écoute les chansons de Michel Sardou datant de ses débuts, je me reconnecte instantanément à l'adolescent que j'étais, je lui tends la main à travers les années qui nous séparent. Et je ressens, un peu douloureusement, comme un mal au cœur fugace, la différence existant entre celui que je projetais d'être et celui que je suis devenu. Non pas que je ne sois pas en accord avec ce que je suis, absolument pas, et d'ailleurs, si c'était le cas, je n'aurais qu'à changer ou du moins essayer, mais la vie ne m'a pas apporté exactement tout ce que j'en espérais, comme un paysan qui se retrouverait avec une récolte moins abondante que celle qu'il escomptait. C'est d'ailleurs plutôt dans la différence entre ce que j'imaginais que la vie allait m'apporter comme source de réjouissances et de réussites que dans le décalage qu'il aurait pu exister avec moi-même et ce que j'imaginais devenir. J'aimais la violence de Sardou, celle des paroles de ses chansons, celle de sa voix. J'aimais son assurance affichée qui me faisait défaut à ce moment. A cette époque, je prenais mon élan, je pensais le prendre comme on prend son élan sur un plongeoir ou un tremplin, pour réussir une prouesse sportive. Ma vie n'a pas parfaitement tenu toutes les promesses que je croyais qu'elle me faisait. Et c'est dans le domaine amoureux que je ressens la plus grande déception : je n'ai pas conquis autant de femmes que j'aurais souhaité...

Les personnes que l'on rencontre, que l'on connaît sont aussi friables, impermanentes que des mirages ou des programmes informatiques.

Jane Birkin, si belle jeune, était devenue, physiquement, une caricature monstrueuse d'elle-même. Il semblerait que la vieillesse et la maladie nous rendent étranger aux yeux des autres. L'image d'elle qu'elle renvoyait étant jeune, avait totalement disparue. Comme le dit si bien le bouddhisme, nous sommes impermanents.

« Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet. » Courteline



« F., il a de gros besoins... », m'avait déclaré une ancienne collègue. Je lui avais répondu, « C'est surtout une question d'envie... ». Et j'étais presque sûr qu'elle avait aussi peu d'envie de lui qu'il en ressentait lui-même beaucoup d'elle...

Il faut croire en ses rêves, entend-on souvent. Au contraire, je pense qu'il faut s'en méfier, s'en défier, car nos rêves nous font agir en prenant en compte une réalité qui n'existe pas et, comme une personne en proie à des hallucinations, nous nous mettons dans des situations extrêmement dangereuses.

« Le réel, c'est quand on se cogne. » Lacan



J'ai retrouvé ce texte écrit il y a une dizaine années :

Vinyles

Je viens de finir l'inventaire de la collection de vinyles de mon père consacrée à Luis Mariano. Il a, toute sa vie, été en admiration de ce chanteur d'opérette un peu kitch. Du plus loin de ma petite enfance, je l'ai toujours vu épris de ses chansons et de ses disques, même de longues années après la disparition du chanteur à la voix de velours. Luis Mariano est mort relativement jeune et cela dût lui être un choc certain dans sa vie, étant donné ce presque culte qu'il lui consacrait. Il avait installé, dans un placard du buffet de la salle à manger, sa platine Dual, son ampli de la même marque rehaussé d'une monture de bois noble, ses piles de disques, un gros casque blanc et même une petite lumière qui éclairait l'intérieur de la niche. Nous le trouvions souvent là, le soir, quand nous allions nous coucher, dans la lumière dorée, le casque vissé sur les oreilles avec, en fond, dans la nuit, la musique assourdie qui s'en échappait. Il ne s'autorisait pas souvent à écouter Mariano sur les enceintes massives qui trônaient dans la salle à manger car ma mère n'était pas une grande amatrice de cette voix poussée dans les décibels, chantant des textes niaisement fleurs bleues. C'était presque religieux, comme un ex-voto dans une église orthodoxe. C'était son coin, le seul vraiment personnel dans la maison. C'était minuscule, mais à lui seul.

Mon père n'est plus. Il n'est plus nulle part. D'abord, il ne fut plus à la maison. Ma mère l'avait installé dans une maison de retraite médicalisée le jour où, atteint d'un deuxième AVC dévastateur, il se retrouva sans plus aucune autonomie. Il ne pouvait plus parler, il ne pouvait plus ni se lever ni marcher. Il pouvait à peine manger de sa main droite et encore, bien maladroitement. Pendant de longues années il ne fut plus à la maison ; il n'était plus d'ailleurs, tout à fait lui. Mais il était là, à cinq minutes à pieds, dans cette résidence où ma mère allait le voir chaque jour

Quand j'entends les autres parler de disparus qui leur furent chers et que je n'ai pas connus, je n'arrive pas à les évoquer, même un peu, comme je peux faire lorsqu'on me parle de vivants que je ne connais pourtant pas davantage. Les chers et disparus des autres restent à jamais figés dans la mort pour les étrangers, j'ai l'impression. Et j'ai du mal à m'intéresser à eux, sûrement pour cela. Si je tombe sur un texte, un roman, une nouvelle évoquant un disparu, ça me plombe tout de suite, ça m'ennuie et me barbe par avance. Pourtant, je commence ce texte à propos de mon père qui est parti il y a quelques mois, après avoir traîné cinq ans dans un état presque végétatif qu'avant on appelait grabataire... Je ne sais pas pourquoi je l'écris.

Nous allons vendre ses disques et je les ai examinés avant de les proposer à l'achat sur un site de petites annonces. Je les ai sortis de leur pochette en papier et ai observé leur surface des deux côtés à la recherche d'éventuelles rayures. Il n'y en avait guère, mon père ayant toujours pris bien soin de ses précieux 33 tours. Mais je découvris une belle empreinte de doigt sur le bord de l'un d'eux. Je me dis qu'il subsistait encore quelque chose de lui dans l'univers, quelque chose d'intime, une émanation de lui, comme une respiration. Une empreinte de doigt, bien nette dans la lumière rasante, c'est personnel, c'est une trace unique de notre présence au monde à un instant, c'est comme des empreintes dans la neige ou sur le sable. A un moment, quelqu'un fut là, y est passé.



Il ne faut pas avoir besoin de l'admiration des autres ou d'une autre pour nous étayer, car alors, nous risquons de devenir dépendant de cet autre. Il faut se suffire à soi-même, demeurer indépendant d'esprit car si l'autre devient notre béquille et qu'il nous trompe ou s'en va, nous nous écroulons.

Besoin de personne pour avoir conscience de ma valeur. Besoin de personne pour me faire briller.

En vieillissant, ma mère a vu sa vie rétrécir autour d'elle. D'abord, elle a dû quitter son appartement pour déménager dans un foyer logement pour personnes âgées où elle habitait dans un simple petit studio. A présent qu'elle a perdu une très grande partie de son autonomie, elle va devoir intégrer une maison de retraite où elle n'aura plus qu'une chambre. Tout a diminué dans sa vie, ses capacités intellectuelles, sa mobilité, ses relations sociales et en parallèle, comme en miroir, la surface de son logement et de ses possessions matérielles.



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